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Une Belle Histoire sur les "Hôtels Solidaires" (Sylvie Karsenty)
LES HÔTELS SOLIDAIRES
Créée en 2018, l’association Les Hôtels solidaires a d’abord récupéré les viennoiseries non consommées dans les hôtels. La pandémie de Covid 19 l’a contrainte à trouver de nouveaux projets : hébergement solidaire, récupération de meubles et recyclage du linge hôtelier sont au programme.

L’histoire commence en 2018.
Antoine, 29 ans, était alors veilleur de nuit dans un hôtel. Il était notamment chargé de jeter les croissants du petit déjeuner laissés par les clients. Il a préféré les emporter et les distribuer sur son chemin puis a créé avec Pierre, 29 ans, une association « Les hôtels solidaires ». L’objectif était de contribuer à la création d’un monde idéal sans gaspillage et plus solidaire en jouant le rôle de chaînon manquant entre les hôtels parisiens et les plus démunis.
Deux amis les rejoignent, Laurent, 43 ans, aujourd’hui co-président, et Cédric, 45 ans, aujourd’hui trésorier. C’est grâce à la voiture de Laurent que s’effectuent, le dimanche, les premières collectes qui sont ensuite distribuées à des associations. En 2019, la Ville de Paris accorde une subvention pour acheter un véhicule électrique. Peu à peu les collectes se multiplient et s’organisent. Outre les viennoiseries, les bénévoles emportent des produits d’accueil ou d’hygiène : chaussons, brosses à dents, kits de rasage, savons, gels douche, shampoing… Quand les flacons sont entamés, c’est une association partenaire qui les reconditionne. « Le plus fou, et qui reste encore un mystère pour moi aujourd’hui, c’est que personne n’y avait pensé plus tôt, s’étonne Laurent. Des associations collectent les invendus des boulangeries ou des supermarchés mais personne n’avait pensé aux hôtels ! »
Un trophée en 2019
Les hôteliers contactés sont partants. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) aide à trouver de nouveaux participants tout comme le média numérique « Tendances Hôtellerie ». L’association devient le référent anti-gaspi auquel on confie le linge et les meubles dont on souhaite se débarrasser.
En 2019, trois collectes hebdomadaires sont organisées auprès d’une cinquantaine d’hôtels parisiens. Elles sont distribuées à des associations partenaires (Armée du Salut, Société Saint Vincent de Paul, la Mie de Pain, la Péniche du Cœur, Aurore…). Outre les viennoiseries ont ainsi été récupérés 500 paires de chaussons, 100 uniformes, 120 oreillers, 150 couettes... Une cinquantaine de bénévoles assurent ce travail. Plusieurs canaux de recrutement : France Bénévolat, le bouche-à-oreille et l’association EDVO (Espoir du Val d’Oise) qui œuvre à la réinsertion de personnes ayant des problèmes d’addiction.
France Bénévolat a également apporté des conseils et un petit coup de pouce financier. En 2019, l’association reçoit le trophée de l’économie sociale et solidaire organisé par la Mairie de Paris.
Bureaux, miroirs et frigos
La pandémie de Covid 19 vient assombrir ce beau tableau. La plupart des hôtels ferment leurs portes. « La crise sanitaire nous a obligés à nous réinventer », explique Judicaël, 36 ans, qui rejoint en septembre 2020 l’association en tant que coordinateur. Depuis janvier 2021 il est employé à plein temps.
Trois projets fusent dans cette association qui ne manque ni d’énergie ni de créativité
Le premier : l’hébergement solidaire consiste à mettre des chambres d’hôtel vacantes à la disposition de personnes qui en ont besoin, par exemple les familles d’enfants hospitalisés. Un projet est en cours avec l’Hôpital Necker. Un autre, avec la Maison des femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), concerne les femmes en difficulté ou victimes de violences.
Le deuxième chantier a déjà démarré. Il s’agit de récupérer les meubles et le linge d’hôtels qui ferment ou profitent de la crise pour rénover leur établissement. Une trentaine de bénévoles se sont mobilisés en mars 2021 pour récupérer à l’hôtel Waldorf Madeleine des bureaux, des miroirs, des étagères, des frigos, des planches à repasser, des lits pliants… Suivront l’hôtel de Suez et le Marriott Rive gauche.
Une deuxième vie pour les draps

Troisième projet : « l’atelier des solidaires » s’est installé en mars 2021 à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Le linge abandonné par les hôtels y trouvera une deuxième vie, en se transformant en sacs (à pain, à courses, à vrac…) ou en « bee’s wraps ». Ces tissus qu’on enduit de cire d’abeille et qu’on peut laver et réutiliser sont des alternatives au papier d’aluminium et au film plastique qu’on utilise dans la cuisine. Quatre machines à coudre sont prêtes à démarrer et les premiers modèles viennent d’être dessinés par une couturière bénévole.
« A terme, explique Judicaël, ce lieu deviendra un espace de réinsertion par l’activité économique et la valorisation de personnes en situation de vulnérabilité physique et/ou psychique ».
(Sylvie Karsenty - Avril 2021)